ENQUÊTE - Harceler les pickpockets : la méthode extrême de lycéens qui s'improvisent justiciers

par L.H | Reportage : François-Xavier Ménage, Lise Cloix, Simon Humblot
Publié le 6 mai 2024 à 7h30, mis à jour le 6 mai 2024 à 11h29

Source : JT 20h WE

Les pickpockets se montrent parfois brutaux avec les usagers, et les actes violents ont bondi de 18% dans les métros et RER ces derniers mois.
En réaction, des jeunes ont fait le choix d'agir eux-mêmes, en flirtant avec les limites de la légalité.
Une équipe de TF1 a suivi un groupe d'entre eux.

Ils sont quatre copains de lycée, âgés de 16 ans, à arpenter les rues de Paris. Leurs parents ne sont pas au courant, mais depuis sept mois, tous les week-ends, ils filment des pickpockets et postent les vidéos sur les réseaux sociaux. "Aucune insulte, aucune agression. S'ils vous frappent, vous ne faites rien", conseille l'un des garçons à ses camarades avant de passer à l'action. 

Dans un lieu très touristique de la capitale, le quatuor repère une jeune femme, ayant dans ses mains une pétition soi-disant pour des enfants handicapés. Une ruse bien connue pour obtenir de l'argent des touristes. Sous les yeux de l'équipe de TF1, elle n'a volé personne, mais les lycéens l'accusent d'être une pickpocket. Ils la poursuivent, puis dégainent une pancarte avec écrit "pickpocket" dessus, ainsi qu'un mégaphone.

Ils scandent : "Faites attention, il y a une pickpocket ici !"  Les touristes sont médusés par la scène : quelques-uns protestent, beaucoup approuvent. Filmée en permanence, la jeune femme riposte en jetant des graviers, puis en assenant un coup à l'un des garçons. Au total, la course poursuite dure une dizaine de minutes.

"Notre rôle aujourd'hui, c'est de dénoncer les pickpockets"

Les jeunes hommes justifient leurs actes, qui pourraient s'apparenter à du harcèlement : "Notre rôle aujourd'hui, c'est de dénoncer les pickpockets. C'est vrai que certains nous accusent, mais ils ne sont pas si nombreux à nous dire qu'on fait le boulot de la police. Ils nous comprennent, ils savent très bien que les pickpockets sont relâchés au bout de trente minutes", se défendent-ils.

La même scène se répète quelques minutes plus tard, avec une autre femme. Après une course poursuite similaire, elle trouve refuge dans l'ascenseur d'un parking. C'est un vigile qui met fin à la poursuite. "Tu es une pickpocket, sale voleuse !", lui lance un des jeunes. "C'est pas ton problème, c'est le problème de la police", rétorque-t-elle. Sur les réseaux sociaux, les lycéens ont posté des vidéos déjà vues des millions de fois. Toutefois, au motif qu'elles ciblent la communauté Rom et s'apparentent à du harcèlement, TikTok et YouTube ont supprimé les vidéos. 

Ce comportement peut être grave. Sur le plan pénal, ça peut renvoyer à des infractions.
Dominique Sopo, président de SOS Racisme

Du côté des associations, on parle d'une dérive à stopper immédiatement. "Ce comportement peut être grave. D'ailleurs sur le plan pénal, ça peut renvoyer à des infractions. On peut être d'abord sur de la diffamation. Si on est témoin, à la rigueur, d'activité de pickpockets, on peut appeler la police, on peut se référer à la justice, et non pas essayer de se présenter soi-même en redresseur de torts", décrypte Dominique Sopo, le président de SOS Racisme.

Les atteintes à l'encontre des voyageurs de la RATP en hausse de 18%

Les vidéos dénonçant les pickpockets surviennent dans un contexte d'augmentation des violences, notamment dans les transports en commun parisiens. Un rapport de 2023 de la RATP souligne que "les atteintes à l'encontre des voyageurs (violences et vols à la tire) repartent à la hausse : +18%". Près de 3000 faits ont été recensés en un trimestre, d'après l'étude. À l'approche des Jeux olympiques cet été, la RATP multiplie pourtant les efforts, les conducteurs de métro n'hésitant pas à sensibiliser eux-mêmes les usagers à veiller sur leurs effets personnels, ou à communiquer quand ils détectent des pickpockets.

Avant les JO, les syndicats critiquent cependant un système de sécurité mal-dimensionné. "Cela démontre que le déploiement de la vidéosurveillance ne porte pas ses fruits. Et que pour lutter contre l'incivilité ou les actes délictueux dans les transports, rien ne vaut la présence humaine", affirme Vincent Gautheron, secrétaire à l'union syndicale CGT-RATP.  De leur côté, la préfecture et la ville de Paris répondent que les patrouilles se multiplient, avant le coup d'envoi des JO.


L.H | Reportage : François-Xavier Ménage, Lise Cloix, Simon Humblot

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